
Ils sont trois auteurs camerounais dont les textes inédits ont été présélectionnés, dans le cadre de l’appel à candidatures pour le « Prix Théâtre RFI » 2017, pour leurs « qualités littéraires, dramaturgiques et leur originalité ».
– La poupée barbue d’Edouard Elvis Bvouma (Cameroun)
Une petite fille s’adresse au garçon qui l’a sauvée des griffes des rebelles. Ce monologue évoque, en mots imagés, les sévices qu’elle a subis en tant qu’enfant soldat. En possession d’une arme, elle veut participer au combat pour se venger : « Je veux jouer à la guerre/ Je veux un nom de guerre… » Une langue rythmée, qui crache comme des salves de kalachnikov, et qui provoque l’émotion.
– Debout un pied de Denis Sufo Tagne (Cameroun)
Dans un port, au bout d’une jetée, une femme attend un bateau. Un homme se joint à elle pour profiter du passage… La conversation tourne autour de l’état du pays, de la nécessité de le quitter. Et des embûches du voyage. Or le passeur s’avère être un ami de l’homme, disparu sans laisser d’adresse, mais qui n’est en fait jamais parti… Vont-ils enfin tous embarquer ? L’Indéfini – l’auteur- introduit et commente l’action et manipule ses personnages. Il introduit une ambiance trouble qui maintient la tension dramatique jusqu’au bout.
– Mille et une femmes de Constantin Liberté Kouam Tawa (Cameroun)
L’auteur évoque la femme dans tous ses états : une longue liste de courtes phrases, chacune introduite par « Celle qui ». « Une pièce- matériau, précise-t-il, qui tient aussi bien du théâtre que de la griotique, pour autant d’acteurs que possible. » Très poétique, rythmée, cette énumération polyphonique appelle une réalisation scénique chantée-parlée, musicale et chorégraphique.
A ces auteurs camerounais, s’ajoutent dix autres :
– Reconstruction(s) de Noé Beaubrun (Haïti)
Le président d’Haïti s’est retiré dans l’unique bibliothèque du pays et depuis trois ans passe son temps à lire et à philosopher « pour se reconstruire ». Le peuple se plaint de cette inaction par la voix de l’opposition tandis que les ministres s’emploient à ne rien faire pour se reconstruire pour leur propre compte avec l’argent des impôts et des ONG… Le public est appelé à participer aux péripéties de cette farce politique qui brocarde un régime immobile et corrompu depuis des décennies.
– Quai des ombres de Faubert Bolivar (Haïti)
Après le tremblement de terre en Haïti, des personnages errent dans les ruines, au milieu des fantômes. Fauchés en pleine vie. Déjà happés, morts-vivants, par le chœur des ombres…
– Verso Recto de Sylvie Dyclo-Pomos (Congo)
Un homme et une femme hantent le cimetière face à une boîte de nuit et un commissariat de police. Fauchés par la violence, ils sont morts et, loin d’avoir trouvé la paix, réclament vengeance pour que cessent les crimes que les humains continuent à perpétrer. « Les vivants ont maîtrisé l’art de tuer, les macchabés ont compris l’art de vivre. » Telle est la conclusion de cette pièce dont l’humour macabre dénonce la folie des hommes.
– Arènes intérieures de Koukouvi Dzifa Galley (Togo)
Un homme se prépare au combat. Le jeune coq affronte en corps à corps le frère de celle qu’il aime. Il espère, par sa victoire, gagner malgré tout le cœur de l’aimée. Retour aux vestiaires. Le jeune homme a perdu et crache sa désillusion. Rythmé, percutant, dans un style ramassé et musclé, un long poème épique et guerrier qui ne débande pas.
– La rue bleue de Sedjro Giovanni Houansu (Bénin)
Un jeune homme traverse, en pleine nuit, dans sa grosse voiture, un quartier délabré de la ville. Il crève et demande au vulcanisateur de réparer son pneu. Que vient faire ce bourgeois dans ces bas-fonds dangereux, infestés de malfrats et de milices ? Une veille femme aveugle, un peu sorcière fait jaillir la voix intérieure de l’homme qui révèle aux lecteurs les raisons de sa présence, tandis qu’une bande armée est à ses trousses. Un texte dense, étrange, fortement ancré dans l’ambiance et la vie d’un quartier.
– Délestage de David-Minor Ilunga (RDC)
Un homme qu’on s’apprête à expulser raconte. Pris pour un terroriste, il a été arrêté, sans papiers, puis interrogé par deux flics dans un centre de détention. La juge à laquelle il adresse son récit l’interroge à son tour : « C’est une maladie chez vous, improvisée ? Vous n’avez jamais de plan ? Pourquoi j’y vais, comment j’y vais, avec quoi j’y vais, qu’est-ce que je vais y trouver, comment je vais y vivre, où, quand, combien de temps ? » Il lui explique : « Comment ça pas de plan ? Ça se résume à l’instant : survie-survie et survie. C’est comme ça quand on vit dans une société de délestage, m’dame. » L’homme finit par regretter son pays qu’il a pourtant fui pour « se débrouiller » en Belgique.
– Là-bas de Fidèle Kofi (Côte d’Ivoire)
Sur le point d’être embarqué de force dans un avion en partance pour le « Continent Pistolet », un sans-papiers hargneux est gardé dans un commissariat par un flic noir raciste et armé, le temps que finisse la grève de vingt-quatre heures à l’aéroport. Mais la froide et solitaire nuit est longue pour les deux hommes. Ils vont s’affronter : leurs échanges menés sur un tempo énergique ménagent des retournements de situations qui font du dialogue un moteur de l’action.
– Les invisibles de Hicham Lasri (Maroc)
Dans un hall d’immeuble, en France. Un maçon arabe a l’impression de devenir invisible. Il croise une voisine délaissée, puis un homme qui ne vit que la nuit et un autre qui voit disparaître les a tout ce qu’il regarde… Une voix homme -le narrateur- introduit l’action, accompagne ces personnages, les décrit, commente… : une métaphore cruelle sur la solitude des petites gens dans une société qui les nie… Ce monologue poignant évoque la dure condition des femmes.
– Longues sont mes nuits de Faustin Keoua Leturmy (Congo)
Une mère veille son enfant brûlant de fièvre. Elle lui conte sa malheureuse histoire : abandonnée par son compagnon, répudiée par ses parents, elle n’a plus de quoi nourrir ses deux petits garçons.
– Le tableau pas complet de Mylene Ntamengouro (Burundi)
Une petite fille se réveille au milieu de nulle part. Elle rencontre un vieil homme, qui l’attend depuis longtemps. Pour comprendre ce qui lui arrive, elle doit le suivre. Ce parcours est ponctué par un conte que lui raconte un jeune garçon. Pour finir, elle retrouve son nom. Le puzzle est enfin reconstitué. Espoir de voir les lauriers repousser, comme dans la chanson qui démarre et clôt cette pièce onirique et poétique.
Les textes seront soumis au vote final du jury composé d’artistes et de professionnels, présidé cette année par l’écrivain Dany Laferrière. Le « Prix Théâtre RFI » 2017 sera remis à Limoges, dimanche 24 septembre, dans le cadre du Festival Les Francophonies en Limousin.
Le « Prix Théâtre RFI » a pour objectif de promouvoir la richesse des écritures dramatiques contemporaines francophones du Sud et de favoriser le développement de carrière de jeunes auteurs, écrivant en français. RFI et ses partenaires offrent au lauréat un soutien professionnel et une exposition médiatique à travers une dotation financière attribuée par la SACD ; l’organisation d’une résidence en France, à la Maison des Auteurs de Limoges et au Théâtre de l’Aquarium avec le collectif A mots découverts, financée par l’Institut français ; une résidence de travail au plateau suivi de lectures publiques au CDN Normandie-Rouen qui rejoint cette année les partenaires du Prix, une promotion du texte et une mise en ondes sur les antennes de RFI.
Avec RFI