Ceux qui ont créé l’Organisation des Nations Unies (ONU), affirment que l’Africain Noir est incapable d’abstraction. Des auteurs comme Harter ont d’ailleurs suggéré que le masque de visage des danseurs Bamiléké est « accessoire facultatif ». Cet auteur a-t-il lu le livre « Paroles de masques » d’Alphonse Tierou, dans lequel la spiritualité, la philosophie, l’économie etc., des masques de danse sont mises en lumière ? Les faits parlent mieux car ils précèdent les écrits. Chez les Bangangté de l’Ouest Cameroun, il existe une soixantaine de danse.
Mbom, le créateur a créé le monde par un acte d’expiration qui est musique et qui pour se continuer doit se maintenir par la volupté de la danse. Si l’homme ne dansait pas, il inspirerait et tout serait dit. La plupart de ces danses sont des danses populaires car c’est la masse populaire qui est la fin de la chaine d’harmonie qui lie le caché et le visible. Toutes ces danses se pratiquent lors des réjouissances, des funérailles ou lors d’événements précis. Celles de ces danses qui ont survécu sont souvent devenues de simples agréments pour meetings politiques ou funérailles ou alors ont valeur de décor. Combien se souviennent encore que le Fedmèn réduit au voir-bébé se dansait dès que le nombril était cicatrisé et donnait lieu à des joutes oratoires ? Combien savent encore que la danse doit être le reflet de la légèreté et de l’absence de vanité intérieures ? Il y avait des danses exclusivement réservées aux femmes comme celle qui vient d’être citée ou le mete’e qui a prêté quelques pas à l’actuel bèndsikin. Les hommes, eux, se retrouvaient dans le njonkà’ par exemple, où les danseurs rivalisaient de souplesse pour savoir qui s’élèverait le plus haut dans les airs.
Au-dessus des danses populaires il y avait des danses particulières qui permettaient de classer les danses en deux catégories : les rapides et les lentes aux pas nobles. La plupart des danses des confréries et des rois et princes entrent dans cette deuxième catégorie car c’était elles qui tissaient la trame spirituelle qui allait recouvrir le royaume de tous ses bienfaits. Il y a le très connu Ku’ngà, qui, à l’image de la plupart des danses du Nde, se retrouve dans toute la région de l’Ouest voire au-delà. Cette danse est celle d’une confrérie de magiciens qui par leurs pas de danses sont capables de planter un palmier et d’en récolter graines et vin au bout de quelques minutes. Il y a le Nyifen dansé par les bonnyi (pluriel de menyi). On les a vus à l’œuvre en 2010, si mes souvenirs sont exacts, lors de la fête de régénération qui eut lieu près du lac des offrandes de Ntongni à Bangoulap. On peut aussi citer le kumkwa qui se danse dans un enclos, de nuit ou de jour ou alors le Bàyà, initié par les Bangoulap avant d’être interdit dans les années 50. Ceux qui ont eu le privilège de voir ces danseurs à Dschang et ses environs savent que d’un coup de poing au sol ils peuvent faire jaillir une source et qu’ils sont capables de sauter de toit en toit avec une légèreté d’oiseau.
Toutes ces danses dessinent sur le sol et dans l’air des figures précises qui peuvent être cercle, arc-de-cercles, colonnes, lignes parallèles ou spirales. La spirale par excellence se retrouve dans la procession du Nwze’e ou Zouh chez les Bazous. C’est une danse qui ne se danse qu’au palais et lors de grandes solennités. Elle est dansée par les rois, les princes et les héritiers des lignages habillés de peaux de bêtes sauvages, de tissus précieux et de couronnes de plumes. Ils ne portent pas de masques et de cagoules comme dans le lali et les instrumentistes jouent dans un enclos ; seuls les danseurs sont visibles par la foule qui forme un cercle autour d’eux.
KEMADJOU NJANKE Marcel