
Cet article a été rédigé par Augustin Roger MOMOKANA pour le compte du journal en ligne Sinotables. Date de la mise en ligne 06 juillet 2021.
« Votre sujet est pertinent et actuel. Il a été abordé avec des outils théoriques et méthodiques appropriés. Vous avez fait preuve de volonté et de passion dans votre travail. La méthodologie a été appropriée, et le résultat à travers ce corpus, à travers cette partition que vous avez élaborées, est probant et pertinent. La soutenance a été interactive, elle a été courtoise, elle a été si interactive que vous avez chanté le « tem pek laa mezi* » et c’était pour le bonheur de l’assistance qui vous a suivi agréablement. Pour toutes ces raisons et pour la bonne tenue (…) » : extrait du rapport oral du jury après délibération rendu par son président le professeur METATEYOU Emmanuel (Université de Yaoundé I).

L’Université de Dschang vient d’amorcer une grande innovation dans le domaine de la recherche fondamentale, avec cette thèse de Doctorat/PhD en Études africaines et Mondialisation. A un moment donné j’ai cru me retrouver dans une maison de quartier où des gens sont venus pour le « voir bébé ». Parce que l’exposé et le débat ont été entrecoupés par des séquences de berceuses et comptines entonnés par la candidate et reprises puis dansés par le jury et le public venu en grand nombre. Sans doute, chacun y reconnaissait une partie de son enfance, de sa culture.

Devant ses parents et de nombreux étudiants et universitaires, l’étudiante Ruth Ludwine TCHINDA FOMETIO épouse EVINA vient donc de faire sensation, en soutenant une thèse de doctorat qui fera date dans les annales de l’Université de Dschang. Le professeur METATEYOU Emmanuel parle, à juste titre, d’un « travail original et louable. »
« De la transmission à la réception des berceuses et comptines traditionnelles dans la région linguistique Yemba: perspectives et enjeux de leur vulgarisation par les technologies de l’information et de la communication » est l’épreuve qui a permis à la jeune chercheuse de cogner à la porte des Docteurs d’université.

Dans son étude, Ruth Ludwine TCHINDA FOMETIO épouse EVINA ne se borne pas à énumérer ou à disséquer les berceuses et comptines, elle met certaines en partitions. Il s’agit bien d’une démarche pour leur vulgarisation à l’échelle planétaire. Ainsi, que l’on soit à l’Académie de musique As’a Telong à Dschang, à l’Institut des Beaux-Arts de Foumban, à l’orchestre philharmonique de Vienne, au Conservatoire de Paris, à l’orchestre symphonique de Montréal, à l’orchestre philharmonique de Berlin, à l’orchestre philharmonique de Tokyo ou encore à l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, ces berceuses et comptines seront interprétées selon les cordes et le doigté de leurs créatrices, nos mamans auprès de qui ces éléments du patrimoine immatériel yemba ont été collectés.

Pour ce travail le jury n’a pas tari d’éloges à l’endroit de son auteure car, selon son président, il s’agit d’un: « exposé lumineux sur tous ses aspects. Parce qu’il pose les bases de la refondation de notre culture ». Le professeur METATEYOU Emmanuel sait et doit le reconnaitre car, en effet, les comptines et les berceuses peuvent contribuer à mieux comprendre la socioculture d’un peuple.
Et le travail de Ruth Ludwine TCHINDA FOMETIO épouse EVINA est d’autant intéressant qu’il ouvre de nouvelles perspectives aux autres chercheurs pour approfondir les éléments culturels qui permettraient de mieux comprendre et connaître l’Homme, quelle que soit sa région linguistique. Le Cas spécifique Yemba enseigne qu’il s’agit d’un peuple en action et dynamique.Les chercheurs sur le dynamisme bamiléké ont de quoi se nourrir.

Avant que le jury se retire pour se concerter dans le but de rendre son verdict, la Salle avait déjà affecté au travail présenté et défendu par Ruth Ludwine TCHINDA FOMETIO épouse EVINA la plus grande mention qui soit pour ce type de travail: la « Mention Très Honorable avec Félicitations du Jury ». Le Jury n’a pas trahi cette conviction populaire.
De quoi reconnaître le doigté et l’esprit rigoureux du directeur de cette recherche, le professeur Jacques CHATUE ne blague pas lorsqu’il déclare, en habillant son disciple de sa toge de couleur pourpre: « le doctorat est un diplôme universel. Sachez que comme elle parle ici à Dschang elle pourra être amené à parle à Washington. Si demain vous entendez qu’elle va à Tokyo, à Pékin, ne vous étonnez pas.»

La composition du jury de soutenance s’est présentée comme ci-après :
Président : METATEYOU Emmanuel, professeur, (Université de Yaoundé I
Rapporteurs/Directeurs : – Jacques CHATUE, professeur (Université de Dschang)
– MAKOUNGANG KAKEU Marie, Chargé de Cours (Université de Dschang)
Membres/Examinateurs : – NDONG AROGA Joseph, Professeur (Université de Yaoundé I)
– NGANGOP Joseph, Maitre de Conférences (Université de Dschang)
– TARKA FAI Gilbert, Maitre de conférences, (Université de Bamenda)
Le travail est satisfaisant. Mais la maman, madame TCHINDA Rose (Directrice de l’École Maternelle les Hirondelles) a pris goût en assistant à cette soutenance. Selon elle, l’école n’est pas finie. Docteur TCHINDA FOMETIO devra poursuite ses recherches. Afin qu’un jour elle devienne comme ses professeurs.

« Je suis entrain de redescendre sur terre. Avant d’arriver ici je parlais de soutenance depuis quelques années déjà, mais j’ignorais ce qu’elle était exactement. Je ne parvenais pas à imaginer la quantité et la pertinence de connaissances que pourra étaler cette enfant face à des professeurs qui ont fini l’école. Nous tous avons vu ce qui s’est passé. Le jury a dit qu’elle est travailleuse et humble. Je lui recommande la même attitude et les prières, parce que le chemin est encore long. »
*« Tem pek laa mezi» est une comptine qui parle d’une femme qui a abandonné le foyer conjugal croyant trouver mieux ailleurs. Elle détruit le bonheur qu’ils ont mis du temps à bâtir. Après plusieurs tours elle revient dans un foyer détruit qu’elle va se remettre à bricoler. La morale c’est que malgré les épreuves il vaut mieux de supporter. Car jamais on ne parviendrait à reconstruit à l’identique l’œuvre que l’on a laissé s’écrouler.

Augustin Roger MOMOKANA