
Le sénateur Etienne SONKIN a saisi l’occasion de la passation de commandement entre les préfets entrant et sortant de la Menoua pour poser son regard critique sur un certain nombre de faits qui émaillent l’actualité locale et nationale. Égale à lui-même, il rappelle au Chef de l’Etat S.E. Paul BIYA de tenir ses promesses faites aux populations, dénonce la gestion domaniales par les fonctionnaires dont les préfets, pense que le Sénat tel qu’il fonctionne ne sert à rien.
Quel regard posez-vous sur Dschang, la ville que vous avez dirigée il y a un peu plus d’une décennie aujourd’hui ?
Je n’ai pas tellement envie de me circonscrire. Mon appréciation, c’est qu’elle est à l’image du Cameroun. Dschang fonctionne exactement comme la République. Ayant cette macro vision je ne veux pas me rabattre sur la ville de Dschang. Parce que toute suite on entrevoit, comme le préfet l’a dit, quelqu’un qui à cause de la perspective des élections à venir a déjà entrepris une certaine campagne.
Monsieur le Sénateur, au cours de la séance de travail qui a suivi la passation de commandement entre les préfets entrant et sortant de la Menoua, vous avez pris la parole pour dénoncer l’implication négative de l’autorité administrative dans la gestion domaniale à Dschang.
Oui ! A propos de la gestion domaniale de Dschang j’ai soulevé la préoccupation que l’actuel préfet veille à ce que la gestion des domaines ne face plus l’objet de ces genres d’aléas que nous avons connus en en d’autres temps, à savoir le bradage des domaines et des réserves dont dispose la ville de Dschang, comme ça a été le cas s’agissant de la Place des fêtes qui a été vendue par un préfet à l’honorable FEUDJO Pierre plus connu sous le pseudonyme de MENGENGUE; et également la Place de l’Indépendance qui a été vendue à un autre député. Je voudrais réveiller l’attention parce que je n’ai pas voulu crier au scandale en disant que sous le règne du préfet sortant l’ancien aéroport a été menacé de bradage n’eut été mon intervention auprès du ministre des Domaines qui a bloqué cette manœuvre. Et au moment où l’on parle, il y a la Réserve du SIGNAL dont la gestion a été confiée au Maire de la Commune de Dschang mais qui, selon des informations de très bonnes sources, serait sous le coup de bradage, d’aliénation illicite. Nous avons voulu attirer l’attention du public sur le fait que cette gestion n’est pas une bonne chose.
J’ai noté dans un échange pas tout à fait convivial avec les responsables locaux des services domaniaux – à l’occasion du transport judiciaire à Dschang du tribunal administratif basé à Bafoussam sur le dossier de la Place de l’indépendance- que l’Etat n’a pas un problème de domaine. À tout moment lorsqu’il y a une création, par tous les moyens il y aura un espace pour réaliser l’objet de la création. Je dis que c’est faux ! Parce que nous avons connu beaucoup de difficultés en d’autres temps quand le lycée technique prévu à Dschang a failli ne pas être construit à cause du manque de site. On le dit sans ajouter que pour qu’il y ait des espaces il procéder aux expropriations. Les expropriations vont avec les indemnisations. Or il est de notoriété publique dans notre pays que beaucoup de gens qui ont été l’objet d’expropriation pour cause d’utilité publique à cause du passage des routes, à causes des grands projets jusqu’ici, éternellement, réclament leurs droits.
Nous voulons dire, s’agissant des domaines, que si le préfet est là pour veiller au bien-être de la population, à celui du département, qu’il s’assure que ces domaines-là soient protégés. Parce qu’il n’est pas bien que ce soit lui le protecteur des biens publics qui en devient le prédateur.
Puisque vous parlez de la Réserve du SIGNAL, quelle appréciation faites-vous de la carrière de pierre qui vient d’y être ouverte?
En fait la carrière de pierre ouverte sur la Réserve du SIGNAL se présente comme une catastrophe que l’on prépare contre nos populations des quartiers en contrebas. Il est question que le préfet ouvre un dossier sur la question et des investigations pour savoir de quoi il s’agit. Je n’ai pas suffisamment d’éléments là-dessus, mais de toute évidence il y a quelque chose qui ne va pas. Parce que la Reserve du SIGNAL est un espace protégé. Et à ce titre, ça ne devait pas se passer ainsi. Donc, il est question qu’une enquête soit ouverte, que le résultat soit porté à la connaissance des populations et surtout, qu’avec le concours des élites et de tout le monde, on puisse voir quelle projection on peut faire de l’exploitation de cette réserve. Parce que la nature ayant horreur du vide, tant que rien n’est dit à ce propos les prédateurs se jettent dessus.
2018 c’est demain et le maire de Dschang, dans son discours de bienvenue dans sa cité, vous a envoyé un message, Monsieur le Sénateur !
Ça ne veut rien dire, ce que le Maire a dit. Il ne faut pas ménager les termes pour le dire. Nous avons, à cor et à cri, réclamé des élections justes et transparentes. Or les élections n’ont jamais été transparentes. Nous connaissons tout ce qui s’est passé à Foréké-Dschang. Nous connaissons tout ce qui s’est passé dans le F4. Pour travestir les résultats. Pour que ceux qui jouent les maîtres des lieux aujourd’hui soit ces « maîtres des lieux ».
Pour 2018 nous travaillons. Tous les partis de l’opposition réunis réclament qu’il y ait des élections justes et transparentes. Et cela se passe à travers une commission électorale indépendance. Cela se passe à travers une présidentielle à deux tours, le bulletin unique, une biométrie intégrale, etc. Voilà de quoi il s’agit. Et compte tenu de ce que nous voyons sous le régime présidentiel tel qu’il fonctionne au Cameroun, ces attentes ne peuvent pas être réalisées. C’est pourquoi nous sommes de ceux qui réclament le fédéralisme. Parce qu’avec le fédéralisme le Président de la République n’a pas les pleins pouvoirs.
Ne pensez-vous pas que le problème de l’opposition réside sur son incapacité à se mettre ensemble pour challenger le candidat du parti au pouvoir ?
La notion de coalition des partis d’opposition ou de candidature unique … Ce n’est pas en ces termes-là que le problème devait se poser. Parce que si vous regardez le résultat de la dernière élection présidentiel, et même de l’autre précédente, si vous additionnez toutes les voix attribuées à l’opposition vous voyez que l’ensemble ne vaut rien par rapport à celles attribuées au candidat du parti au pouvoir. Cela justement parce que le processus électoral est truqué. C’est la raison pour laquelle nous revendiquons une série de réformes y compris sur la forme de l’Etat. Bref, nous revendiquons une révision constitutionnelle qui va aboutir à ce que le président n’ait plus les pleins pouvoirs. Cela afin qu’il cesse de manipuler le système qui va le consacrer élu comme président de la République pour l’éternité.
Quelle est votre réaction des dernières mesures du Président de la République pour juguler la crise dite anglophone ?
Ces mesures-là ne résolvent nullement le problème. Déjà que dans ce pays beaucoup de choses ont été annoncés- telle que la faculté de médecine et de pharmacie de l’Université de Dschang- et qui ne sont pas réalisées.
Ce que le président de la République a dit est plus complexe. Parce qu’il faut trouver des enseignants pour le Common Law. Il faut former des interprètes. Il faut élaborer des programmes et disposer d’un nombre important d’experts. C’est des choses très compliquées. Et quand on voit beaucoup de choses annoncées et qui n’ont pas pu être réalisées, nous ne nous attendons pas à grand-chose. Nous disons que c’est des stratégies de diversion pour mieux baisser la tension. Le Conseil constitutionnel a été annoncé par la constitution de 96 et on est aujourd’hui à 21 ans sans qu’il ait vu le jour. Les régions, etc.
La population francophone du Cameroun, dites-vous, n’est pas actrice. Qu’est-ce que cela voudrait dire ?
Par rapport aux populations anglophones du pays, le reste c’est une population naïve. C’est une population qui n’est pas avisée en matière politique. La majorité du peuple camerounais manque de culture politique, c’est-à-dire qu’elle ignore les enjeux, les tenants et les aboutissants de la chose politique. Les gens ne comprennent pas qu’un changement au sommet peut provoquer un changement de gestion, un changement de gouvernance dont les retentissements vont dans le sens de l’amélioration des conditions de vie de tout le monde. Par exemple, et de manière concrète, nous souffrons du chômage à cause des détournements massifs des fonds publics, à cause de la gabegie, c’est-à-dire le gaspillage des fonds, à cause de beaucoup de choses dans ce sens. Et ceux qui ont été arrêtés ne représentent rien par rapport à ceux qui continuent de voler. Si on provoquait un assainissement par un changement au sommet, cela aurait pour effets la justice sociale, l’équité, entre autres. En fait, ceux-là, les populations qui jouent aujourd’hui aux observateurs, aux spectateurs ce sont ceux-là même qui décident. Parce que, en fait ce sont eux qui élisent justement ou injustement ceux qui vont les gérer, notamment le président de la République.
Vous accusez les populations de manquer de culture politique, qu’avez-vous fait en tant qu’acteur politique pour les éduquer ?
Je vais profiter de cette occasion pour exprimer mon reproche- là je me fais violence- à tous les partis politiques, de l’opposition surtout, de ne pas s’investir dans l’éducation politique des masses. Il faut amener les populations à comprendre que c’est elles les décideurs. Il faut qu’elles comprennent que personne ne saurait te donner un cube maggie ou un morceau de savon pour acheter ton suffrage. Tu décides de recruter Untel comme président de la République, mais parce qu’on t’a donné un morceau de savon, tu changes de pensée. C’est là que je dis que les populations qui sont des électeurs doivent agir comme acteurs et non comme spectateurs. Quand tout le monde l’aura compris et développé sa conscience, sa pensée, sa personnalité pour ne plus se faire prendre au piège à rats, pour ne pas se faire prendre au piège à cons ; alors il y aura le changement et tout le monde trouvera son compte.
Vous êtes sénateur et on a été surpris de vous entendre dire, à partir d’un plateau de télévision, que le Sénat ne sert à rien !
Ce n’est pas parce que je suis au sénat que si le sénat ne sert à rien je ne dois pas le dire. D’aucuns trouvent que j’aurais dû démissionner, que c’est de l’escroquerie politique. Je n’ai rien fait. Est-ce que j’ai trompé quelqu’un ? Je me suis retrouvé au Sénat par le mécanisme par lequel on s’y retrouve ; de manière régulière. Maintenant, c’est de l’intérieur que je décris les insuffisances, les irrégularités. Parce que, à l’analyse, le sénat fait la même chose que l’Assemblée nationale. A quoi sert le sénat ? Si je n’étais pas au Sénat et que j’en parlais, on devait dire : « celui-là parle de quoi ? Il ne sait pas de quoi il parle. Il n’est pas la bouche autorisée ». Je suis la bouche autorisée et je critique pour dire qu’on peut bien fermer le sénat. On peut gérer les choses autrement. D’ailleurs, je suis de ceux qui réclament le fédéralisme. Ça veut dire que le moment venu, si on peut avoir un sénat, mais un sénat qui a d’autres missions c’est-à-dire outre l’examen des lois d’une certaine manière par rapport à l’Assemblée nationale, ce sénat-là peut être une chambre de consultations pour le Chef de l’Etat comme on en trouve dans les grandes démocraties. Je vais vous rappeler, à titre d’exemple, qu’il y a quelques mois le sénat nigérian a bloqué la nomination de près de cinquante ambassadeurs.
Récemment vous avez relancé l’appel au Chef de l’Etat, à travers un post sur les réseaux sociaux, à propos de sa promesse non tenue de doter l’Université de Dschang d’une faculté de médecine, de pharmacie et des sciences biomédicales. Vous semblez grimper dans un arbre qui n’a plus de fruit, non ?
La Faculté de médecine à l’Université de Dschang-je ne dis pas de l’université de Dschang- a été promise de la bouche même du Chef de l’Etat lors de son adresse à la jeunesse en février 2008. Ce jour-là, il promettait la faculté de médecine à trois universités à savoir Buea, Douala et Dschang. Et à l’heure où je vous parle, Buea et Douala ont déjà eu leur faculté de médecine qui ont déjà produit leurs premières cuvées de médecins, c’est-à-dire qu’il y a déjà des promotions sorties et qui sont dans le marché du travail. Cela fera bientôt dix ans, et on ne sait pas pourquoi Dschang n’a pas toujours eu sa part de faculté de médecine.
Nous venons d’apprendre que le ministre de l’Enseignement supérieur aurait adressé une lettre au Gouverneur de l’Ouest pour faire valoir qu’étant donné l’existence de l’Université des Montagnes qui forme dans ses spécialités à savoir la médecine et la pharmacie, la faculté de médecine et de pharmacie promise par le Chef de l’Etat à l’Université de Dschang pourrait ne pas être créée parce que l’Ouest aurait déjà, en tout cas, un tel établissement. Je ne sais pas au nom de quoi et à quel titre le ministre de l’Enseignement supérieur peut se substituer négativement au Chef de l’Etat pour démentir, pour remettre en cause ce qu’a dit le Chef de l’Etat. En d’autres termes, ce ministre vient de nous dire que le Chef de l’Etat a menti et qu’on pourra ne pas avoir la faculté de médecine et de pharmacie.
Très fraîchement un bruit a couru pour dire que le ministre de l’Enseignement supérieur se proposait de faire créer la faculté de médecine et de pharmacie de l’université de Dschang, mais en la logeant à Bafang. Et on a cité des noms des personnalités hautement placées qui auraient joué les « lobbies ». Nous ne devons pas exclure certains dessous de table comme nous en connaissons au Cameroun
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA