L’acte majeur de la fin d’année 2023, au niveau de l’institution universitaire au Cameroun, c’est certainement l’immortalisation par l’université de Dschang de quatre personnalités bien connues dans l’histoire du Cameroun.
A défaut de leur décerner le titre de docteur honoris causa -si notre université en a déjà décerné ne serait-ce qu’un seul- à titre posthume, le conseil d’administration de l’université de Dschang a choisi de baptiser certaines infrastructures emblématiques de l’institution en leur attribuant les noms de DJOUMESSI Mathias, FONDJO Joseph, Gilbering BOL ALIMA, et FOTSO Victor.
Ainsi les salles et amphithéâtres ci-dessous sont baptisés :
• Centre des Conférences (Amphi 1000) : Centre International des Conférences Sa Majesté Mathias DJOUMESSI
• Salle des Conférences et des Spectacles : Auditorium Honorable Joseph FONDJO
• Salle des Conseils (au-dessus de l’Auditorium) : Salle Dr Gilbering BOL ALIMA
• Salle des Actes du rectorat : Salle Victor FOTSO
Selon le communiqué du Recteur de l’université de Dschang, le professeur Roger TSAFACK NANFOSSO, « il est question, à travers ce processus de baptême, d’exprimer la reconnaissance de l’Etat aux grands hommes et femmes qui ont marqué la vie notre nation en œuvrant de façon distinctive pour le développement durable de l’éducation en général et, en particulier, de la formation supérieure au Centre universitaire de Dschang devenu Université de Dschang.
Qui sont-ils ? Qu’ont-ils fait de concrets ?
Sinotables a parcouru les notes publiées par l’Université de Dschang en date du 22 décembre 2023. Ces notes exposent les arguments qui ont présidé à l’acte unanimement salué par la communauté universitaire en particulier et, les populations en général.
Sa Majesté DJOUMESSI Mathias (1900 – 1966)
« Beaucoup le connaissent comme un acteur politique de premier plan à l’orée de l’indépendance du Cameroun. Mais son engagement pour l’émancipation des citoyens camerounais est pluriel. Au plan socioculturel, son action est marquée au cours des années 1930, 1940 et 1950 par la création des lieux d’instruction labélisés « centres d’éducation populaire ».
L’un des outils didactiques en usage dans ces centres est le « Syllabaire » en langue Yembà. Son souci est de valoriser les cultures locales par leur codification et une systématisation de leur « transmission » dans un cadre reconnu. L’implication de S.M. Mathias Djoumessi pour l’éducation a contribué au développement de l’instruction à Dschang. La création des grandes écoles et, plus tard, de l’université, se situent dans la logique de l’émancipation qui a guidé l’action historique de ce leader engagé. »
Honorable FONDJO Joseph (1924 – 2000)
« Au moment du déménagement de l’Inspection fédérale, le Président Ahmadou Ahidjo fait un discours à Dschang en 1962 où il déclare que toutes les institutions partiraient, sauf le Centre Régional d’Éducation Physique et Sportive (CREPS) et le Collège National d’Agriculture (CNA). Mais entre-temps, des tractations ont lieu pour que Dschang soit aussi délesté du CNA. Face aux Députés, le Dr Vroumsia Tchinaye, nommé en 1965 Secrétaire d’État au Développement Rural, a affirmé que cette école irait là où les populations manifesteraient le plus d’engouement pour l’accueillir.
En réponse au Secrétaire d’État, l’honorable Joseph Fondjo construit un bâtiment du CNA à cette époque-là. Cet acte contribue lourdement à la stabilisation de ce Centre à Dschang, lequel deviendra Institut des Techniques Agricoles (ITA), puis Centre Universitaire de Dschang et enfin Université de Dschang. »
Dr Gilbering BOL ALIMA (1942 – 1999)
« Le Professeur Gibering Bol Alima est en effet le tout premier Directeur Général du Centre Universitaire de Dschang (CUDs) créé en 1978. Par le transfert de l’École Nationale Supérieure Agronomique (ENSA) de Yaoundé pour Dschang et l’implantation effective du Centre avec ses deux écoles – ENSA et Institut des Techniques Agricoles (ITA) – dans le chef-lieu du Département de la Menoua, ce dernier a construit le rêve d’une université de plein exercice dans cette cité. Dschang lui doit l’impulsion opérationnelle qui a permis de matérialiser territorialement le Centre universitaire éponyme et, plus tard, l’université.
Si l’on s’en tient aux débats du début des années 1990 sur le lieu d’implantation d’une université nationale dans la Région de l’Ouest – certains voulaient qu’elle soit installée à Bafoussam, chef-lieu de Région – il faut relever que l’action du Prof. Gibering Bol Alima aura décisivement contribué à sa création à Dschang. En effet, la décision de l’implantation d’une université dans le chef-lieu de la Menoua avait été motivée, entre autres, par le fait intangible que le CUDs disposait déjà d’infrastructures pour accueillir les activités de la nouvelle institution. »
M. FOTSO Victor (1926 – 2020)
« Les raisons suivantes motivent l’idée que l’UDs érige en valeur-référence son esprit de sacrifice pour l’honneur du pays : (1) son savoir-faire légendaire dans la création et le management de la richesse – ses nombreuses entreprises au succès fulgurant participent à une structuration décisive de l’économie du Cameroun et de l’Afrique centrale ; (2) sa contribution inédite à l’amélioration de l’offre nationale d’éducation pour la formation du capital humain dont nos pays ont besoin pour se développer ; (3) sa participation et son rayonnement sociopolitiques particuliers pour une gouvernance locale intégratrice – il est pendant longtemps resté un élu local vénéré, mythique Maire de la Commune de Pete-Bandjoun ; (4) son engagement global pour l’accompagnement déterminé des politiques publiques et la réalisation de la vision de développement du Cameroun définie par le Chef de l’État sur plusieurs décennies. »
Quel impact ?
L’initiative du recteur Roger TSAFACK NANFOSSO est à saluer. Elle doit donner de la visibilité à l’ancêtre posée par le professeur Anaclet FOMETHE qui, en son temps, avait immortalisé le professeur René OWONA en lui attribuant son nom au cybérium (Cybérium René Owona).
En outre, le souhait est que cet acte sorte du campus pour embraser toute la ville de Dschang. Que la mairie de Dschang emboîte le pas à son université, dans le cadre de l’adressage de la ville. Cela serait un acte non seulement de reconnaissance, mais aussi culturel. Nous devons abandonner les noms de rues qui ne nous enseignent rien de notre passé ou de notre présent.
De mémoire de journaliste, seules quatre rues dans la ville de Dschang ont été baptisées. C’était dans les années 70 sous le maire Paul NGUETSOP. Ainsi la rue DJOUMESSI Mathias (Place de l’indépendance Entrée du Marché A), Marcel Lagarde (Place de l’indépendance – Irad), Galeazzi (Place de l’Indépendance –Résidence du préfet), Simon-Pierre Tsoungui (Place de l’Indépendance – New Town Foto) ont leur rue à Dschang. Elles manquent de Signalétiques pour être adoptées par la population. Plus tard, dans le cadre du Cinquantenaire, le Maire Momo Bernard a créé trois places : la Place du Cinquantenaire (l’espace aménagé ou a été érigé le monument du cinquantenaire en face de l’École D’application du Centre l’Indépendance la Place S.E. Paul BIYA (petit jardin en face de la Maison du Partie et la Place Djoumessi Mathias (plus connus sous le nom « Rondo » ou rond-point Ancienne Gare routière).
Dans cette perspective, Sinotables a entrepris un travail d’exhumation des mémoires méconnues du département de la Menoua. La première série des 6 a été exposée et présentée lors du dernier Festival des Causes Nobles du 26 au 28 octobre 2023.
Augustin Roger MOMOKANA