
La langue maternelle pour nos enfants représente le lit conjugal pour un couple. Elle leur permet de s’affirmer dans un méli-mélo de langues.
« Toute communication a une cible et un objectif recherché. »
L’utilité de la langue maternelle ne tient pas en ce qu’elle permet au locuteur de pouvoir jouer des tours à un étranger, mais dans ce qu’elle permet une acquisition ou transmission aisée de ce que l’on aurait des difficultés d’appréhender à travers une langue étrangère.
Récemment, un virulent débat a opposé des fils de la communauté Yemba dans le groupe Whatsapp Infos.com. À l’origine, un spot télé en langue française, dans une chefferie traditionnelle de 3e degré, annonçant un événement culturel dans le groupement Bafou, département de la Menoua.
A tort ou à raison des membres du groupe ont émis des avis mitigés sur le sujet. Il s’agit d’une question qui relève de la préservation du patrimoine immatériel. Comment sommes-nous arrivés à négliger nos langues maternelles au point de laisser l’impression qu’elles ne serviraient à rien? La question demeure cruciale malgré les efforts observés ici et là pour assurer la promotion des langues camerounaises.
A tort parce que lorsqu’une communauté organise un événement, il est destiné à un plus large public, sinon il refuserait d’accréditer des journalistes d’ailleurs. Ainsi la langue française ou anglaise devient un moyen idéal pour les organisateurs d’atteindre le plus grand nombre, la minorité présente et la majorité absente de l’événement.
Quoiqu’organisé dans un cadre strictement communautaire, l’événement présente ainsi un intérêt général et accueille des invités dont certains venus d’horizons lointains. Raison pour laquelle les organisateurs ont souhaité le partager avec le monde entier.
« Si vous faites un spot télé pour attirer les sponsors, les touristes et les curieux à venir découvrir votre patrimoine culturel, vous ne le faites pas en votre langue car votre objectif ne sera pas atteint ».
A raison parce que des événements communautaires devraient conserver leur saveur locale, étant donné leur caractère diplomatique. L’on pourrait affirmer que le fait de ne pas saisir des opportunités pareilles pour promouvoir la langue locale, comme on le fait pour la gastronomie, est une faute grave.
L’on se souviendra toujours d’Evans CHEBET, cet athlète kenyan qui a remporté le marathon international de New York en novembre 2022. Lorsque les journalistes du monde entier se sont précipités pour recueillir ses impressions, l’homme les a surpris en s’exprimant en sa langue maternelle. Ce qui a obligé les grandes chaines de télévision à faire appel aux interprètes pour pouvoir recueillir ses propos.
Ainsi Nelson MANDELA n’avait pas tort lorsqu’il avait déclaré que « Lorsque vous parlez à un homme dans sa propre langue, vous parlez à son cœur ». Loin de se fâcher contre l’athlète kenyan ou de le traiter d’illettré, les spécialistes des médias ont déclaré que l’athlète était convaincu qu’il ne pouvait pas trouver des mots appropriés dans une langue autre pour exprimer ses émotions.
« Pourquoi quand je demande de parler le Yemba à la communauté Yemba, de surcroit dans un lieu qui est supposé être le centre protecteur du Yemba qui véhicule nos traditions, vous me jetez les cailloux ? »
Et puisque la chefferie traditionnelle est le seul ancrage des us et coutume, la représentation communautaire des traditions locale, le centre d’impulsion des politiques locales, l’on questionne son attentisme face à le déclin et à l’étouffement des langues maternelles par les langues officielles.
A l’instar de sa Majesté DJOUMESSI Mathias, chaque chefferie traditionnelle au Cameroun peut devenir une école de base pour la formation à la langue maternelle, aux us et coutumes locales.
Il est urgent d’aller au-delà de la chefferie traditionnelle. Car comme a lancé Olivier TAF, « chaque communauté du Cameroun (…), organisez les cours de vacances pour enfants et adultes d’ici 3 ou 5 ans vous verrez le changement », affirme-t-il.
Augustin Roger MOMOKANA