
Madame Michelle Bureau est le délégué national de l’association Les Francas.
Madame Michelle Bureau est le délégué national de l’association Les Francas (France). Elle est chargée de la région des Pays de la Loire. Elle vient de séjourner au Cameroun à l’occasion d’une mission d’évaluation des activités liées à la formation d’animateurs socioéducatifs dont la première phase a eu lieu en juillet 2017 à Dschang.
Madame Michelle Bureau s’est confiée à Sinotables.com. Lisez plutôt l’entretien.
Madame Michelle Bureau, vous quittez la ville de Dschang après un séjour qui vous a permis d’entrer en contact avec de nombreuses personnalités. Dites –nous, quel a été le véritable contenu de votre séjour au Cameroun ?
C’est un séjour qui fait suite à d’autres séjours que des partenaires, des Francas, ont conduit ; notamment en juillet 2017 où deux personnes de notre association sont venues encadrer une activité de formation au métier d’animateur socioéducatif. Mon séjour m’a permis de faire le point sur les avancées, de rencontrer des personnes qui avaient suivies cette formation et de travailler avec les associations porteuses du projet que sont le RAJE-2D et Horizon Jeune sur les suites de la formation et la formalisation de façon à ce que ça puisse être une formation reconnue notamment par les autorités et plus particulièrement par le ministère de la Jeunesse et de l’éducation civique, mais que ce soit une formation qui puisse se déployer sur l’ensemble du pays ; dans tous les cas là où il y a des besoins.
Nous ne sommes pas, aux Francas, dans la logique de faire des formations continues ici. Nous sommes dans la logique d’apporter un appui aux associations, aux collectivités et aux mairies qui le demandent. Je suis implantée à Nantes. Donc dans le cadre de la coopération décentralisée entre les villes de Nantes et Dschang, en tant que représentant de la société civile, je viens apporter un soutien sur ces questions-là ici à Dschang.
Vous avez rencontré des autorités camerounaises !
Les autorités locales avec un accueil particulièrement chaleureux de Monsieur le Maire, Sa Majesté ; de Monsieur le Délégué de la Jeunesse, mais également de Monsieur le Préfet, et. J’ai commencé le séjour et je vais le terminer par Yaoundé où nous avions rencontré le Ministre de la Jeunesse et de l’éducation civique avec qui nous avons pu échanger sur ces questions d’animation socioéducative, d’animation pour les jeunes, d’encadrement de la jeunesse, et d’activités génératrices de revenus pour les jeunes.
Une formation en juillet 2017, et une autre un an plus tard. Quelle sera la particularité de cette deuxième session ?
C’est une session d’approfondissement. Elle s’adresse aux jeunes qui ont suivi la première partie. Elle va viser à développer, à renforcer leurs capacités sur des thématiques qu’ils auront choisies. Ça peut-être le développement durable, les questions de santé, la question de culture, des questions de citoyenneté. On va approfondir les techniques d’animation sur ces thématiques-là.
Après l’évaluation, dans quel état d’esprit repartez-vous ?
Je rentre très satisfaite, très fière du travail qu’ont fait les associations de jeunes sur Dschang. Très fière aussi du partenariat qui existe, de la coopération entre la ville de Nantes et la Commune de Dschang. Fière de prendre une petite place dans cette coopération et de contribuer sur un volet particulier qui est celui de la jeunesse. Et puis, très satisfaite de la présence d’Abdellah El Maintaguy qui, au titre de la ville d’Agadir-Agadir est une ville qui a une coopération décentralisée avec Nantes- Finalement c’est un réseau de villes qui travaillent sur ces questions de jeunesse. C’est un élément dont je suis très fière.
A thermes quel impact attendez-vous que cette formation produise sur le Cameroun ?
Nous espérons que les jeunes, à travers cette formation, s’impliqueront plus pour leur communauté, participeront au changement d’un certain nombre de comportements que ce soit dans l’environnement, la santé, l’éducation, la culture ; de façon à ce que la convergence de ces différents éléments participent au développement du pays et au développement local.
Etant donné que vous avez déjà bouclé ce même processus en Guinée Conakry, partagez avec nous ses éléments de capitalisation ?
Je crois que l’élément fondamental qui a joué dans la réussite pour la Guinée c’était une volonté politique, notamment du ministère de la Jeunesse guinéenne, une implication sans faille des associations des jeunes guinéens, une petite implication des collectivités locales. Cette implication est apparue en fin du projet ; alors qu’au Cameroun l’implication de la Mairie de Dschang est essentielle, très forte dès le début. Ça c’est un élément différent et je crois que c’est une ressource, un levier très important.
Quel est l’argument que vous mettez en avant pour essayer de convaincre le ministre camerounaise de la Jeunesse et de l’éducation civique à adhérer à l’initiative ?
Je ne suis pas sûre de le rencontrer à mon départ. Je l’ai rencontré à mon arrivée. Je l’ai rencontré aussi en présence des associations camerounaises. Donc elles ont pu exprimer leurs besoins. L’élément important, y compris à travers le Conseil National de la Jeunesse, est que la politique de la jeunesse soit adaptée aux réalités du terrain, aux besoins des associations qui font des choses plus qu’au nombre d’associations qui existent. J’ai pu repérer qu’il y avait beaucoup d’associations dans la base de données. Toutes ont une existence, sauf que sur le terrain toutes ne sont pas impliquées de la même façon ; que le soutien principal, si on veut faire levier, doit partir des associations qui ont réellement des jeunes impliqués à l’intérieur, qui font tous les jours du changement sur le terrain et pas seulement de façon occasionnelle.
Je crois que Monsieur le Ministre a bien reçu ce plaidoyer que j’ai essayé de faire.
L’autre particularité de la prochaine session de formation, vous la confirmez, c’est la présence de deux formateurs : un Français et un Marocain ?
Non pas forcément un Marocain. Il y aura deux formateurs nantais et deux formateurs camerounais. Parmi les jeunes que nous avons déjà accompagnés. Leurs compétences pour devenir formateurs sont déployées. Ils ont des ressources pour le faire. On les aide. Parce qu’être formateur c’est quelque chose de spécifique. C’est comme dans le coaching il y a des éléments importants à maitriser. Mais j’ai essayé, pendant ma mission, de faire de la formation des formateurs, c’est-à-dire les mettre en capacité de former eux-mêmes les acteurs camerounais et les animateurs qui en auront besoin.
Et les financements. D’où viennent-ils ?
Pour la formation qui se déroulera au mois de juillet prochain, une partie du financement sera par le biais de l’ambassade de France au Cameroun qui financera les billets d’avion de nos formateurs. Une autre partie sera de la mairie de Dschang qui, comme l’an dernier, prend en charge l’hébergement et l’accueil de nos formateurs. Une troisième partie doit être mobilisée y compris à travers les acteurs économiques de la ville ou du département sur les moyens pour que les stagiaires aient leurs repas ; et enfin l’autre partie viendra du produit de l’implication de nos associations. Les jeunes formateurs camerounais sont bénévoles et les formateurs, moins jeunes, français qui viendront sont également bénévoles. Donc c’est une économie non monétaire qui est mobilisée dans le cadre de la solidarité.
Qu’est-ce que le rôle exact d’un animateur socio-éducatif ou socio-culturel dans la société ?
Le rôle d’un animateur c’est de transmettre, de faire comprendre. C’est un rôle d’éducateur. Il n’intervient pas dans le cadre formel de l’école. Il intervient dans tous les autres temps, dans tous les autres espaces. Mais c’est une vraie contribution à l’éducation.
Avec Monsieur le Préfet et Monsieur le Maire vous avez parlé de Dschang comme la ville de la fraternité !
Oui ! Parce que Monsieur le Préfet disait que Dschang ville de l’amitié ce n’était plus possible parce que l’amitié était déjà prise par une autre ville [Limbé, ndlr]. Mais il me semble que c’est bien au titre de la fraternité que les relations entre Nantes et Dschang, entre les habitants de Nantes et les habitants de Dschang se construisent dans le respect, dans la convivialité, dans la chaleur et la qualité des accueils. Il me semble que la fraternité c’est ce qui rassemble tous les humains ; et que nous avons à construire le monde de demain pour les enfants et pour les jeunes de demain dans ce respect de la fraternité.
Quel souvenir gardez-vous de votre séjour à Dschang ? Avez-vous goûté à la gastronomie locale ?
J’ai goûté à la gastronomie locale, et j’ai un souvenir piquant d’une petite cuillère du piment. J’ai un souvenir qui restera dans ma mémoire : de la chaleur, de la richesse des échanges, de la satisfaction de voir progresser une réflexion et une envie de faire changer les choses dans le monde qui est partagée par nos associations, par l’ensemble des acteurs ; et une envie de revenir.
Dites-nous, pourquoi êtes-vous venu en compagnie de M. Abdallah El Maintaguy?
Il y a 10 ans maintenant, j’ai essayé d’aller à Agadir, de rencontrer Abdallah El Maintaguy qui était en partenariat avec la ville de Nantes et pour lequel la ville d’Agadir souhaitait implanter des maisons de jeunes et des maisons de quartiers dans chacun de ses quartiers. Ils ont fait appel à nous sur des soutiens en termes de formations. Aujourd’hui je crois qu’il y a un peu plus de 12 maisons de quartier sur l’ensemble de la ville, la jeunesse a un lieu pour y faire ses activités, les familles aussi, puisque ça s’adresse à tout le quartier ; et nous avons continué de partager les expériences des uns et des autres.
Le Nord est souvent perçu comme ayant beaucoup de choses. Je pense que la richesse culturelle, la richesse de la tradition, la richesse des personnes au Sud nécessitent que l’on fasse des coopérations Sud-Sud et Sud-Nord. On essaie aujourd’hui, chaque fois que Les Francas se déplacent, d’être accompagné par un autre partenaire du Sud. Il y a un écart entre nos pays aujourd’hui qui est énorme. Il ne faut pas chercher à faire des choses similaires entre ces pays-là. Il faut chercher à faire des choses qui aient du sens pour les habitants, pour les populations et je pense que la coopération sud-sud a une pertinence dans cette dynamique-là.
Monsieur le maire de Dschang a convenu de désigner une délégation qui ira à Agadir voir les maisons de quartier pour sans doute implémenter une ici. Je crois que c’est une très bonne démarche et c’était le sens de l’invitation quand on a proposée à Monsieur El Maintaguy de venir. Il est par ailleurs président du Forum pour l’Accompagnement et le Développement de la Diplomatie du Maroc dans une logique Sud-Sud et Sud-Nord.
Maison de quartier, maison des jeunes. C’est quoi leurs objectifs ?
Une maison du quartier est un espace qui s’adresse à toute la population d’un quartier. On peut y accueillir la petite enfance, les familles, les femmes qui viennent faire des cours de cuisine, des cours de broderie, de l’alphabétisation, mais il y a aussi des ordinateurs et la pratique des techniques informatiques et de communication ; il y a des pratiques culturelles qui se passent dans les maisons de quartier. Maison de jeunes c’est la même chose, mais avec un public limité aux jeunes et parfois à l’enfance.
Il y a un élément que je n’ai pas évoqué. Je crois qu’il deux niveaux dans le développement des animations des formateurs socioéducatifs : il y a un niveau qui concerne aujourd’hui, c’est-à-dire que fait-on pour la jeunesse et quel métier d’animateurs socioéducatifs ? Mais il y a aussi demain, c’est-à-dire comment ces animateurs socioéducatifs peuvent transmettre des choses aux plus jeunes qu’on appelle ici les « petits » qui ont moins de 15 ans ? Je pense que là aussi il y a beaucoup à faire en complément de l’école et l’animation peut jouer un rôle important.
Envisageriez-vous une coopération tripartite du type Nantes-Dschang-Agadir ?
Moi, je représente la société civile. Donc je ne peux prendre aucun engagement sur les coopérations décentralisées qui elles dépendent des villes. Par contre, sur la société civile le triangle Nantes-Dschang-Agadir ou Agadir-Dschang-Nantes existe réellement et on continuera de le faire vivre.
Je vous remercie, Madame Michelle Bureau
Merci !
Propos recueillis par Augustin Roger MOMOKANA