Ma personne,
Comment le magistrat serait-il plutôt préoccupé à défendre sa carrière professionnelle que de l’État de droit !
A quoi servent même les magistrats ? De qui répondent-ils, du droit ou du gouvernement ? Un magistrat a-t-il la liberté et la probité morale nécessaire pour dire le droit ? Non ! m’a répondu mon ami Jean G. Selon lui, le magistrat camerounais est plus que jamais préoccupé par la gestion de sa carrière professionnelle que par le rétablissement de l’État de droit. Il ne doit pas sacrifier le bonheur de sa petite famille parce qu’il veut rétablir la justice. D’ailleurs, cet ami m’a révélé que les magistrats ne sont pas nommés pour leurs compétences, mais pour les réseaux auxquels ils appartiennent. Il sait de quoi il parle. Il est juriste lui-même et les côtoie assez souvent dans le cadre de certaines amicales.
Le procès des marcheurs du 26 janvier 2019 me donne l’occasion de me pencher sur la responsabilité des magistrats dans le processus de l’établissement de l’État de droit au Cameroun. L’État de droit ne doit pas être vu comme un nuage. Il peut être instauré pourvu que les garants de la justice soient des honnêtes gens, des personnes qui savent jouer au-dessus des considérations politiques et partisanes.
Dans un exposé de Jean Bernard Tchouafa, professeur des Lycées d’enseignement général et membre du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, l’on apprend que les forces de sécurité (police et gendarmerie), et l’institution carcérale au Cameroun méritent un formatage à 360°. Il est nécessaire de leur donner un visage humain. Car ces agents de la République ne doivent cesser d’être des monstres pour l’Homme.
Ce témoignage m’a ressuscité un vieux souvenir. Celui de la vie estudiantin. En 1991 l’université de Yaoundé est implose. Les étudiants demandent le changement. Le gouvernement déploie la gendarmerie et la police dans le campus. C’était devenu un enfer, mais l’Homme véritable ne fuit pas l’enfer car, c’est l’enfer qui forge le grand combattant.
Un jour, pendant un meeting devant le rectorat-je crois qu’à l’époque c’était encore la Chancellerie- les gens-là nous encerclent et nous obligent à nous coucher sur le ventre. Ce que ces gars te faisaient était simple : tu répètes :
Le CEPE dépasse le baccalauréat et la licence ». Ce ne pouvait pas être possible, mais il fallait le répéter, puis recevoir un coup de matraque sur les fesses et disparaître, sous peine de voir sa peine doublée.
Ils nous ont fait dire cela, eux qui ne savent même pas lire leur propre nom. Ils nous ont donnés des coups de matraques, ces salauds qui n’ont pour seul verbe que la terreur ou le complexe d’infériorité ou de l’animal servile. Le temps a passé, on a oublié tout cela. Mais eux ils n’ont pas changé. Ils ont conservé leur esprit de vermine. Ils ne savent pas changer, s’adapter au temps. Parce qu’ils ont peur de vivre une vie normale, d’être ordinaire, comme vous et moi.
Voici un petit morceau de ce que Jean Bernard Tchouafa dit au président du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi :
« Puis un gardien de prison va me demander de me déshabiller et je le ferai en laissant sur moi mon bermuda. Il me demandera de tout enlever sous le regard bien attentif des autres gardiens de prison et surtout très voyeur du Régisseur en personne. Je vais m’executer sans aucune résistance malgré ma gêne et au plaisir de mes voyeurs puisqu’ils se mettront à rire je ne sais pourquoi.
Je serai prié de tourner le dos et de m’accroupir, je m’executerai une fois de plus. Le gardien va se rapprocher de moi, il va s’accroupir à son tour, déposera un genou au sol et regardera à travers mon anus. Puis me demandera de tousser, je le ferai, de tousser encore je le ferai puis il me demandera de m’habiller et je serai conduit dans le Bureau du CBI (je crois que ça veut dire Chef de bureau intérieur). »
C’est dans mon pays que ça se passe. Ceux qui ont eu la chance de lire « Le Procès » de Franz Kafka sont convaincus, désormais, que ce qu’ils assimilaient à une invention de l’esprit était de la réalité , tant des gouvernements à l’instar du nôtre s’obstinent à fabriquer et à entretenir des monstres pour terroriser le peuple en vue de régner éternellement et sans la moindre inquiétude.
Heureusement, madame le président du Tribunal de grande instance du Mfoundi n’a pas interrompue l’inculpé. Elle l’a écouté attentivement jusqu’à la fin. Je crois savoir qu’elle aura retenu quatre leçons :
Un : nos forces de sécurité sont des diables qu’il faille formater afin qu’ils retiennent, une fois pour toute, que même si un citoyen est coupable d’un fait, il n’en demeure pas moins qu’il garde son statut de personne humaine. Des individus à l’instar de « maa Ja », « Mme Ngah Brigitte » et les autres : policiers impliqués, gardiens de prison, doivent être vertement sanctionnés pour leurs forfaitures. Ils doivent également être formés autrement. Bien sûr qu’il y aura toujours des brebis galeuses pour enfreindre le code d’éthique. Mais il faudra ne pas baisser, un temps soit peu, l’épée de Damoclès.
Deux : la prison, centre de rééducation ne saurait être une cour du Roi Peto. Chacun doit y jouer pleinement son rôle, et rien que son rôle. Le personnel doit y veiller en tout temps et par tous les moyens d’Etat. Car comment comprendre que Jean Bernard Tchouafa, enseignant de profession, s’engage bénévolement à enseigner bénévolement à l’école de la prison, doit se voir contraint par les autres prisonniers à payer un laissez-passer quotidien, sans que cela n’émeuve les responsables du pénitencier ? Comment obliger à chaque détenu de verser, au titre de droits de cellule, soit 37000 F pour certains, 12000 et 17000 F pour d’autres ? A quoi sert cet argent ? Est-il institué par l’Etat ? Rentre-t-il dans les comptes de l’Etat ? Et ce n’est même pas tout. Parce qu’en prison est toute une autre république. Tenez ! « Je me verrai proposé plusieurs types de stupéfiants dont les noms enrichiront davantage mon vocabulaire : le sounkoundaye, le gué, le djepazan, la thaï, le caillou, la pillule bleue, les injections, le riz dzana etc. Je vais les refuser naturellement avec subtilité. Des hommes me feront la cour. »
Trois : Si tu veux tricher, arrange-toi à bien tricher. De sorte que celui contre qui tu triche ne trouve pas d’argument pour te confondre. Ne triche pas comme cette femme qui se fait baiser dans les toilettes de sa maison pensant que de la chambre son époux n’entendra pas les gémissements. Jean Bernard Tchouafa présente l’argument qui le pousse à marcher : « J’aurai pu rentrer directement chez moi après une semaine de séminaire et la fatigue due mais je me suis rappelé que des élections présidentielles se sont tenues dans mon pays le 7 octobre dernier.
Qu’en faveur de ces élections, les résultats avaient été proclamés par le Président du Conseil Constitutionnel et que Je m’étais livré à un petit exercice : celui d’additionner le pourcentage attribué à chaque candidat. Le total était 100,03% je n’ai pas le chiffre exacte mais de façon certaine, le total était supérieur à 100%.
Il se trouve Madame le Président qu’entre 2004 et 2006 j’ai effectué des études d’assurance au CPFA de l’IIA (Institut International des assurances) et que j’y ai manipulé les statistiques.
Il se trouve Mme le Président qu’entre 2003 et 2008 j’ai effectué des études de mathématiques pures à l’Université de Yaoundé 1 et j’y ai manipulé des outils statistiques et des outils d’aide à la décision,
Il se trouve Madame le Président qu’entre 2008 et 2010 j’ai été etudiant de la première promotion de l’école normale supérieure de Maroua. Mon thème de mémoire était modélisation et simulation des déterminants de la scolarisation du Cameroun : cas de l’extrême nord et qu’en faveur de ce mémoire, j’ai manipulé des outils statistiques,
Il se trouve enfin Madame le Président qu’entre 2012 et 2015, j’ai soutenu un diplôme d’ingénieur en Mines et Pétrole à l’Université de Dschang et mon thème de fin de formation était modélisation et simulation de la dispersion du fioul dans le sol : cas de la société garage marine située dans l’arrondissement de Dibombaré et j’ai manipulé les outils statistiques. »
Lorsqu’un magistrat écoute ce type d’exposé, en sort-il ébranlé, imperturbable, ou demeure-t-il mouchard ?
Quatre : On a dit et entendu beaucoup de choses sur la prison. Maintenant que vous avez un état général des droits de l’Homme dans notre pays, qu’est-ce que vous, chargés de la justice, allez faire pour participer à la restauration de l’État de droit. Il s’agit d’un dossier pour lequel vous êtes les premiers redevables, aux yeux du peuple pour qui la justice est rendue. En ceci que vous rendez justice non pas sous l’effet des pressions extérieures, mais par une exploitation judicieuse des instruments du droit (code pénal, code de procédure pénal, autre lois) à votre disposition.
Qu’allez-vous faire de la justice camerounaise, mesdames et messieurs les magistrats ? Allez-vous continuer à fermer les yeux faces aux atrocités telles qu’elles nous sont décrites, ou alors vous prenez vos responsabilités en main ? Personne ne vous surveille. Personne n’exerce un contrôle sur vous. Vous êtes votre propre conscience. Si elle est rouillée, vos actes seront inhumains. Si au contraire elle est limpide, vos actes seront au-dessus de tous les soupçons. Messieurs les magistrats !
C’est bien de la restauration de l’État de droit qu’il s’agit.
Momokana